Si l’édition 2021 du concours MDRS avait, sans surprise, primé des projets étroitement liés à la crise sanitaire et à ses conséquences pour les résidents des EHPAD – en particulier lors de la première vague épidémique –, les candidatures retenues en 2022 présentent pour leur part un visage plus varié, signant peut-être la résolution proche d’une épreuve qui n’aura que trop duré. L’an dernier, c’était la vidéo mettant en scène le coronavirus et créée par la résidence La Maison Bleue du groupe Orpéa, un établissement situé à Gattières dans les Alpes-Maritimes, qui s’était démarquée auprès du jury en emportant le Trophée Vidéo Humour, tandis les nombreuses initiatives imaginées par la résidence parisienne Korian Les Amandiers pour combattre l’isolement et le sentiment d’inutilité des résidents pendant le confinement, étaient lauréates du Trophée Émotion. Ces deux catégories ont été cette année fusionnées mais les candidatures n’en étaient pas moins nombreuses. Trois finalistes sont désormais en lice.
Korian Saint-Simon, « Les petites histoires d’EHPAD »
En 2022, c’est un autre établissement parisien du groupe Korian qui a retenu l’attention du jury : la résidence Saint-Simon, située dans le 20ème arrondissement, a mis sur pied « Les petites histoires d’EHPAD », un projet résolument inscrit dans le cadre de sa labellisation Culture et Santé, obtenue en 2019. En partenariat avec La Manufacture Chanson, qui accueille et accompagne des artistes en résidence, l’établissement a proposé des ateliers d’écriture et de créations musicales aux résidents, à leurs familles et au personnel. Tous sont ainsi devenus « des artistes complets », capables d’écrire des chansons, de participer à leur composition musicale, de les interpréter « et même d’en réaliser la vidéo support dans des mises en scène originales », souligne l’établissement. Une quinzaine d’ateliers ont été organisés, écriture à partir d’un thème donné, composition musicale sur des airs connus ou créés sur le vif, mises en scène vidéo avec des résidents exprimant leurs talents de scénaristes et d’acteurs, le tout couronné par un concert où des artistes professionnels ont interprété les chansons écrites avec les résidents, pour le plus grand plaisir de tous. Et comme un plaisir n’arrive jamais seul, « Marre de café », l’une des chansons phares de cette aventure humaine, composée sur l’air du très entraînant « Mon amant de Saint-Jean » d’Édith Piaf, est aujourd’hui devenue l’un des hymnes de la maison Korian Saint-Simon.
Villa Beausoleil Drancy, « Les feux de la villa »
À Drancy en Seine-Saint-Denis, la Villa Beausoleil, qui regroupe un EHPAD et une résidence services, a souhaité donner corps à une initiative audacieuse : reprendre les codes des soaps, ces fameux feuilletons télévisés aux multiples rebondissements, pour les mettre à la sauce EHPAD. L’idée, qui a germé parmi les résidents de l’atelier théâtre, s’est librement inspirée d’une référence du petit écran : « Les Feux de l’amour », que ces seniors malicieux ont souhaité parodier « parce que la vie à la Villa ressemble parfois à une comédie et qu’ils avaient envie d’en rire ». Le scénario est à la hauteur des attentes : l’arrivée d’un résident mystère, séducteur et charmeur, perturbe l’harmonie de la Villa. Les résidents en sont jaloux, les résidentes s’en amourachent, et les péripéties s’enchaînent. Hélas, il n’est là que pour un séjour temporaire et doit bientôt repartir… mais laissera une petite attention à l’une de ces dames. Laquelle ? Cette question ne manque pas de semer la zizanie parmi les intéressées, donnant lieu à plusieurs situations truculentes. Un scénario bien ficelé, des pensionnaires qui habitent leurs personnages malgré des difficultés physiques voire cognitives, et des résidents qui s’en donnent à cœur joie, pour le plus grand plaisir des téléspectateurs !
Maison de Famille Antinéa, « Le comité des rêves »
À Redorte, petite commune de l’Aude, les résidents de Maison de Famille Antinéa ont créé « Le comité des rêves » pour exprimer leurs envies et projets, une initiative qui a aussitôt emporté les suffrages des personnels. « La vie en institution ne doit pas limiter les résidents au droit de rêver ni de faire des projets, et c’est d’ailleurs ce qu’ils nous ont exprimé », explique l’établissement en évoquant, pêle-mêle, l’envie de revoir la mer, de participer à une pièce de théâtre, de se promener parmi les vignes, etc. En 2021, l’équipe de l’EHPAD a dont décidé de tout mettre en œuvre pour réaliser ces rêves perçus comme inaccessibles par les résidents, en commençant par celui de Madame S. « C’est mon rêve de revoir la Méditerranée et de m’y baigner. Maintenant ce n’est plus possible, je ne la reverrai plus jamais », avait-elle dit. Qu’à cela ne tienne ! Dans le plus grand des secrets, l’équipe a réservé une journée à Narbonne Plage, préparé l’équipement et le maillot de bain – sans oublier le chapeau – et, par un beau matin de juillet, Madame S. a appris avec une grande joie, et beaucoup d’émotion, qu’elle allait revoir sa chère Méditerranée. Une première expérience que les équipes de Maison de Famille Antinéa souhaitent réitérer, en renouvelant ces instants pour d’autres résidents.
Article publié dans le numéro de janvier d'Ehpadia à consulter ici
Article publié dans le numéro de janvier d'Ehpadia à consulter ici
Le mot d’Anaïs Guilbaud, membre du jury : « 15 projets, trois nominés, un seul lauréat… La mission de jury ne s’avère pas toujours aisée. D’autant qu’en laissant libre cours à l’imagination des résidents et de leurs accompagnants, la catégorie Humour - Émotion est certainement la plus propice à laisser place à la subjectivité de ses juges. Pourtant, avec sa géniale parodie des ”Feux de l’amour”, la Villa Beausoleil Drancy a su faire l’unanimité des suffrages. Il en va de même de la vidéo de la Maison de Famille Antinéa. Quelle belle idée que ce ”comité des rêves” ! Et comment ne pas être touché par l’émotion sincère de Madame S., qui pouvait enfin revoir sa chère Méditerranée ? Sans concertation préalable, humour et émotion se retrouvent donc parfaitement représentés dans le trio final, et c’est tant mieux. À mi-chemin entre les deux, la résidence Korian Saint-Simon a su, quant à elle, proposer un projet aux multiples facettes, pour un résultat à la fois poétique et malicieux ».